Peu après le discours du Président de la République lundi soir, des SMS liés au coronavirus ont été envoyés à tous les Français. Vous l’avez sûrement reçu à ce stade, mais l’envoi a pris beaucoup de temps et certains SMS ne sont arrivés que dans la journée de mardi, voire sont encore en attente.
Suite à cet envoi massif, on pouvait se demander comment le gouvernement avait procédé. Être sur liste rouge n’a pas empêché de le recevoir et même des cartes SIM qui n’étaient pas associées à un téléphone ont reçu le message. De fait, l’envoi a été fait vers toutes les cartes SIM enregistrées par les opérateurs français, comme l’explique CheckNews, le site de vérification des faits (fact-checking) du journal Libération.
Le gouvernement n’a pas eu besoin de connaître votre numéro pour vous envoyer un SMS, tout a été fait directement par les opérateurs eux-mêmes. Le message a été envoyé par les opérateurs à la demande de l’État et il semble que la consigne a été de l’envoyer sans aucune distinction à tous les numéros de téléphone liés à des cartes SIM connues. Le site évoque le cas d’automobilistes qui ont reçu le message dans leur voiture, via la carte SIM intégrée à leur véhicule.
Interrogé par le site, l’avocat spécialisé Alexandre Archambault explique que le gouvernement a opté pour un envoi de SMS-MT, pour marketing. C’est exactement la même solution qui est utilisée pour envoyer les textos publicitaires que l’on peut recevoir et cette technique exige un lissage dans le temps pour éviter la surcharge des réseaux. En temps normal, les plus grosses campagnes de ce type servent à envoyer au maximum quelques millions de message. Sauf que dans ce cas, il a fallu faire partir 80 millions de SMS, ce qui explique le délai entre le lancement de l’opération et le moment où tout le monde l’aura reçu.
L’avocat précise par ailleurs qu’il y avait une autre solution technique plus appropriée, mais qui n’a pas été utilisée : le SMS-CB, pour « cell broadcast ». Dans ce modèle qui sert aux États-Unis et en Corée du Sud notamment, les opérateurs n’envoient pas les SMS à tous les numéros, elles programment les antennes mobiles pour envoyer elles-mêmes le messages aux smartphones à portée. Ce modèle a l’avantage de pouvoir cibler une région plutôt qu’une autre et d’aller beaucoup plus vite, puisqu’il n’y a pas de risque de surcharge liée à la centralisation.
Pourquoi avoir privilégié le SMS-MT ? D’après nos informations, le SMS-CB n’existe pas encore en France. Une norme européenne est en cours de préparation, mais elle n’est pas encore définie et les réseaux mobiles actuels ne sont pas prévus pour ce mode d’envoi. Le changement impliquera d’ailleurs de revoir une bonne partie de ces réseaux, ce qui a un coût important et les opérateurs ne seraient pas les plus motivés pour le mettre en place. Quoi qu’il en soit, le gouvernement n’aurait pas pu utiliser ce mode pour ce SMS.
Alexandre Archambault explique aussi que cet envoi respecte le RGPD, puisque le gouvernement n’a pas besoin de votre consentement pour envoyer un message qui a un « motif légitime : la sauvegarde des intérêts vitaux des destinataires et d’autres personnes physiques ». C’est un cas prévu explicitement dans le règlement, tout comme la législation prévoit que les « services de communications électroniques » ne peuvent pas bloquer un envoi qui répond à ce motif.
Source : IGEN